Voilà 30 mn que vous attendez le métro, et toujours rien : ni rame, ni annonce :
• Vous devez prendre une décision : partir ou rester
• Qu’est-ce que vous décidez ? Ce n’est pas facile de prendre ce type de décision…
• Parce que si vous décidez de partir, vous serez frustré d’avoir attendu 30 minutes pour rien et en plus vous risquez de voir votre métro vous passer sous le nez !
Amener une personne dans une position de « station de métro », c’est lui faire réaliser une succession de petits efforts facilement atteignables, de façon à ce qu’au bout du compte, il soit plus difficile pour elle de refuser ce qu’on lui demande que d’accepter !
Parce que si elle refuse, elle perdra tout le bénéfice des efforts déjà consentis !
C’est ce que l’on appelle la théorie de l’engagement, d’après les travaux de Kiesler dans les années 1960, et plus récemment de Joule et Beauvois*
Que dit cette théorie ? Que « Seuls les actes nous engagent. Nous ne sommes donc pas engagés par nos idées, ou par nos sentiments, mais par nos conduites effectives » Beauvois.
Exemple :
C’est le week-end, le soleil brille et quelqu’un sonne à la porte.
C’est votre voisin. Il souhaite tondre sa pelouse mais impossible de faire démarrer sa tondeuse. Auriez-vous la gentillesse de lui prêter la vôtre ?
Vous n’avez rien de particulier à reprocher à ce voisin et vous lui prêtez donc bien volontiers votre tondeuse.
15 jours plus tard, on sonne à votre porte. C’est de nouveau votre voisin.
Il n’a malheureusement pas eu le temps de faire réparer sa tondeuse. Cela vous ennuierait-il de lui prêter de nouveau la vôtre ?
Oui, cela vous ennuie un peu… mais difficile de le lui dire… et vous lui prêtez donc votre tondeuse…
A partir de ce moment, il va devenir quasiment impossible de lui dire non sans risquer un incident de voisinage !
Et donc, vous continuerez sans doute à lui prêter votre tondeuse, alors même que vous n’en avez pas envie…
C’est le même mécanisme que l’on retrouve dans le principe de recrutement des sectes : assister à une réunion, puis témoigner, puis participer…
Ou encore qui fait durer certains couples ayant pourtant toutes les raisons de se séparer (investissement dans la relation)… ou qui est à l’œuvre dans les violences conjugales (la première gifle pardonnée…)
Vigilance donc…
Que ce soit pour déjouer les tentatives de qui chercherait à vous manipuler ou encore pour convaincre l’autre et atteindre plus facilement vos objectifs, la station de métro, utilisée en conscience et à bon escient, est un formidable outil !
Par exemple avec un interlocuteur que vous souhaitez voir faire quelque chose / soutenir une mesure / vous financer, ou un partenaire que vous souhaitez voir s’impliquer davantage…
L’amener dans une situation de « station de métro », c’est lui faire réaliser une succession de petits efforts facilement atteignables (ou lui faire dire plusieurs fois « oui »), de manière à ce qu’il devienne plus difficile pour lui de dire stop, que de continuer !
Ou de dire non, que de continuer à dire oui !
Parce que s’il dit stop, il perdra tout le bénéfice des efforts consentis !
Pire ! Parce que s’il dit stop, il pourra être taxé d’inconsistance par rapports à ses comportements passés !
Voilà pourquoi il vaut toujours mieux demander un petit service aux gens avant de leur demander quelque chose d’important !
Ou obtenir d’eux une succession de « oui » avant de leur demander de s’engager.
Comment ? En passant par une énumération de faits irréfutables auxquels l’autre ne peut QUE dire « oui », afin de les mettre dans une sorte d’entonnoir…
Car nous persistons bien souvent dans nos actes pour la simple raison que nous nous sentons engagés !
La station de métro !Pensez-y !
Et rendez-vous le mois prochain !
*Beauvois et Joule sont les auteurs du « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens », paru en 2002 aux éditions PUG.
Bonjour
Tout à fait d’accord avec vos démonstrations.
Cependant vous avez toujours le choix de dire non et à tout moment!
C’est une question de respect de soi, d’abord.
Et ensuite du voisin ou autre, même s’il n’est pas content; s’il faut mentir pour respecter les convenances, alors la relation n’a que la valeur des convenances!
Sincères salutations
et soyez toujours vous-même !
Bonjour Yves,
Tout à fait d’accord avec vous également : la station de métro, de son nom d’origine « piège abscons » cesse d’être un piège sitôt que l’on trouve la force (et surtout le bon sens !) de dire « stop » !
Pour rester en accord avec soi-même, avec ses valeurs et partager une relation juste et authentique.
Mais dans la réalité, bien trop souvent, par manque d’assertivité ou par le fait d’un véritable talent de notre interlocuteur, nous nous laissons manipuler sans même nécessairement en avoir conscience. Vigilence donc !
Mais encore une fois, utilisée à bon escient et dans une intention positive, cette technique reste très efficace pour engager son interlocuteur dans votre projet, votre idée, et susciter une implication plus importante de sa part.
Au plaisir Yves !
Le piège abscons est en réalité un piège à con (soi-même !)
Cette petite histoire a le mérite d’éclairer le fait que chacun d’entre nous est le premier responsable de ce qui lui arrive.
Encore faut-il en prendre conscience et redevenir le principal acteur de notre vie : penser, décider, agir par soi-même.
Mais cette méthode peut aussi avoir ses vertus, en particulier dans le management.
La théorie de l’engagement permet d’obtenir progressivement des choses auxquelles le collaborateur n’aurait sans doute pas adhéré, s’il avait été proposé d’un bloc.
C’est une bonne façon de faire progresser, grandir nos collaborateurs. À condition de rester éthique.
Yves de Montbron
http://www.manager-positif.com